par le Panier alimentaire canadien
Le Canada n’a commencé à cultiver des lentilles que dans les années 1970, mais nous sommes aujourd’hui le premier exportateur mondial de lentilles. Nous nous entretenons aujourd’hui avec Corey Loessin et son fils, Aidan, agriculteurs dans le nord-ouest de la Saskatchewan.
Parlez-nous de votre ferme, Corey.
Corey : C’est une ferme que nous avons achetée en 1991 et que nous avons commencé à exploiter avec mes parents. Depuis, nous avons créé notre propre entreprise agricole. Nous ensemençons actuellement environ 3000 acres. Nous faisons pousser une variété de cultures sur notre ferme, notamment des légumineuses comme les lentilles, les gourganes et les pois jaunes, mais aussi du canola, du blé de printemps, de l’orge et de l’avoine.
Nous aimerions en savoir plus sur les cultures que vous produisez, surtout sur les lentilles.
Corey : Les lentilles et les autres cultures sont généralement semées au début du mois de mai. Nous essayons de mettre les graines en terre relativement tôt, puisqu’en les semant tôt, nous serons prêts à récolter au milieu ou à la fin du mois d’août. La pratique courante dans l’Ouest canadien consiste maintenant à semer la culture directement dans le chaume de la culture précédente. De cette façon, nous maintenons toujours une couverture protectrice sur la terre pour protéger la couche arable.
Pouvez-vous expliquer le processus d’ensemencement ?
Corey : Le procédé d’ensemencement que nous et la plupart des agriculteurs utilisons de nos jours fait appel à un semoir pneumatique. Vous mettez les graines de lentilles dans un réservoir et elles sont acheminées au moyen d’un jet d’air dans des tubes. La machine sillonne le champ et souffle les graines de lentilles dans le sol. Elles sont enfouies à environ 3,7 cm dans le sol, puis elles y germent. Les plants de lentilles sont relativement courts. Ils atteignent, dans notre région du moins, une hauteur d’environ 30 cm. Ils produisent des graines dans de petites cosses et chaque cosse peut contenir une, deux, voire trois graines de lentille. Nous obtenons généralement une ou deux graines par cosse.
On entend souvent dire que les lentilles sont une culture très durable. Pour quelles raisons ?
Corey : Les légumineuses sont une culture essentielle pour réduire l’empreinte environnementale de la production et de la consommation alimentaires, et constituent un ingrédient d’un régime alimentaire durable. L’une des caractéristiques vraiment uniques des lentilles et de l’ensemble des légumineuses est qu’elles sont capables de fixer l’azote. Cela signifie qu’elles établissent une relation symbiotique avec les bactéries du sol qui leur permet d’extraire l’azote de l’atmosphère et de l’introduire dans le sol, aussi bien pour l’usage de la plante qui croît que pour emmagasiner de l’azote dans le sol pour les cultures suivantes. Les cultures ont besoin d’azote pour croître. Ainsi, la présence de lentilles dans notre rotation de cultures réduit l’empreinte globale en gaz à effet de serre de l’ensemble du système agricole. Les lentilles ont en fait une empreinte carbone négative, car elles absorbent plus de carbone dans le sol qu’elles n’en émettent. Cela rend l’ensemble du système plus durable à long terme.
Aidan : En tant que producteurs, nous sommes responsables envers les consommateurs, ce qui nous rend également responsables envers le sol. La santé du sol est très importante pour nous, car il est notre principal moyen de production. Une partie de ce facteur de durabilité est assurée par la présence de lentilles dans ce procédé de production.
Pouvez-vous nous expliquer la rotation des cultures ?
Corey : Lorsque nous parlons de rotation des cultures, nous faisons référence à la fréquence à laquelle nous semons une culture particulière dans un champ particulier. Nous essayons de faire une succession de cultures sur plusieurs années afin de perturber les cycles naturels des maladies qui se développent ou les cycles naturels des insectes et des mauvaises herbes. La fréquence de semis d’une culture peut être d’une fois tous les quatre ans, mais elle peut changer pour devenir aussi basse qu’une fois tous les sept ans.
Quelles autres mesures prenez-vous pour protéger le sol ?
Corey : Nous ne travaillons pas inutilement le sol. Nous nous limitons au travail strictement nécessaire pour pouvoir enfouir les graines dans le sol à la profondeur optimale. À part cela, nous ne travaillons jamais le sol, et ce, pour une raison bien précise : la conservation des sols. Si l’on remonte dans l’histoire, le travail plus fréquent du sol était la pratique normale, mais dans cette partie du monde, elle a eu pour effet de rendre le sol très vulnérable et exposé à l’érosion.
Dans notre région, nous ne disposons que d’environ 15 cm de terre arable. La chose la plus importante pour la gestion de nos ressources en sol est de protéger cette couche de terre arable. C’est pourquoi, au fil des ans, nous avons modifié nos pratiques. Aujourd’hui, je peux affirmer avec certitude que nous avons pratiquement éliminé l’érosion du sol grâce à nos pratiques de production actuelles. Au fil du temps, nous nous sommes adaptés pour toujours laisser le chaume de la culture précédente au sol afin de protéger la couche de sol arable. Je ne saurais trop insister sur l’importance pour nous, en tant qu’agriculteurs et propriétaires fonciers, de préserver la couche de sol arable.
Les cultures ont besoin d’eau pour croître. Utilisez-vous l’irrigation ?
Aidan : Les lentilles ne sont pas cultivées sous irrigation. Une fois semées, la seule eau qu’elles utilisent provient des précipitations environnementales. Par rapport à d’autres cultures, les lentilles sont très bien adaptées aux conditions de sécheresse. Elles sont très bien adaptées à notre climat semi-aride, comme culture à saison de croissance plus courte. Elles n’ont pas besoin de beaucoup d’eau pour assurer leur croissance.
Le système racinaire des lentilles est généralement très peu profond et fibreux. Il n’atteint pas les profondeurs que celui d’autres cultures atteint. Cela signifie que l’eau accumulée dans le sol peut être utilisée pour les cultures ultérieures.
Parlez-nous de la récolte des lentilles. Sont-elles difficiles à récolter ?
Corey : Comme les plants sont courts, les méthodes de récolte doivent être adaptées pour récolter efficacement les graines et en récupérer le plus possible pendant la récolte. L’un des équipements que nous utilisons s’appelle un tablier rabatteur flexible pour moissonneuse-batteuse. Ce tablier se déplace au ras du sol, en suivant de très près le relief du terrain, et ratisse toutes les cosses et tous les plants de lentilles pour les acheminer dans la moissonneuse-batteuse.
Les graines sont ensuite acheminées vers un réservoir à grains et le reste de la matière végétale poursuit sa route vers un broyeur de paille qui la réduit en petits fragments. Elle est ensuite soufflée ou épandue derrière la moissonneuse-batteuse et retombe au sol. Cette matière devient alors la matière organique qui s’intégrera au sol pour la production future. Grâce à ce procédé, rien n’est gaspillé. Nous ne récoltons que les graines et les résidus restent au sol.
La technologie évolue rapidement dans de nombreux secteurs. Comment a-t-elle changé l’agriculture ?
Aidan : La technologie en agriculture a beaucoup évolué au fil des ans et elle continuera à le faire. Le système de localisation GPS a vraiment changé la donne et nous a permis d’être plus précis dans l’utilisation de nos intrants, comme les engrais et les produits de désherbage. Nous n’en utilisons plus autant que par le passé. Cette technologie nous permet d’épandre (ou non) des quantités précises de produits dans différentes parties du champ, en fonction des conditions de la parcelle que nous traitons.
Que vous réserve, à vous et votre famille, l’avenir de l’agriculture ?
Corey : Sur notre ferme, nous mettons un point d’honneur à maintenir la santé de la terre et à préserver sa qualité pour les générations futures. La population mondiale est en pleine croissance. La demande alimentaire augmente et la demande de protéines d’origine végétale est aussi en hausse. Nous espérons continuer à fournir des aliments durables, sûrs et nutritifs aux différents consommateurs du monde entier pendant de nombreuses années.
Nous pensons être en mesure de le faire encore longtemps en préservant nos ressources et en utilisant de nouvelles techniques. Je pense que nous nous améliorons de plus en plus dans la production d’aliments durables qui peuvent soutenir la croissance de la population mondiale.