par Andrew Campbell
Pour bien des gens, soutenir une ferme locale signifie se rendre au marché d’agriculteurs de leur région. Mais au fil de mes nombreuses visites à la ferme, des agriculteurs m’ont appris qu’en achetant des aliments portant la mention Produit du Canada, vous soutenez probablement aussi des fermes locales.
Je visite aujourd’hui une serre où l’on fait la culture du poivron. Elle n’est que l’une des exploitations dont les produits sont distribués vers des magasins Costco, Provigo, Loblaws ou Wal-Mart, plutôt que dans les marchés publics locaux. Cette ferme produit en fait une quantité énorme de poivrons sur plusieurs mois de l’année, dès la fin de l’hiver. Et comme j’ai des poivrons sur ma liste d’épicerie presque chaque semaine de l’année, je m’attends à en trouver, car au pays, l’approvisionnement est stable et continu, ce qui en dit long sur l’incroyable efficacité de notre système alimentaire !
Ce n’est pas la seule chose que j’ai apprise lors de ma visite. Je sais maintenant que les poivrons verts sont en fait des poivrons de couleur qui ne sont pas mûrs et pourquoi un poivron des champs est parfois plus sucré qu’un poivron de serre, bien qu’ils aient la même valeur nutritive. Suivez-moi et vous apprendrez vous aussi une tonne de choses sur les poivrons !
Nous sommes ici dans une serre à la ferme Enniskillen Pepper et je m’entretiens avec Joe à propos de la culture des poivrons. Derrière nous, on peut voir des poivrons verts et des poivrons jaunes, mais ils seront bientôt tous jaunes, c’est ça ?
Oui. Chaque poivron est vert d’abord et sa vraie couleur vient après, alors le poivron vert comme tel n’existe pas. C’est pourquoi les poivrons verts sont amers et moins chers à l’achat, car ce sont des poivrons non mûrs cueillis prématurément.
Est-ce que vous cultivez vos poivrons à partir de semences ou est-ce qu’ils proviennent d’une serre de multiplication ?
Nous faisons affaire avec la serre de multiplication Roelands Plant Farms. Les graines sont plantées vers la fin du mois d’octobre, puis nous recevons les plants sous forme de petits semis le 1er décembre, quand ils sont âgés de 35 jours. Ils sont livrés et placés sur la dalle lorsqu’ils arrivent ici.
Je n’aurais jamais pensé que des plants de poivrons pouvaient être aussi hauts, parce que ceux dans mon jardin ne le sont pas. Il faut combien de temps pour qu’ils atteignent une telle hauteur et comment faites-vous pour y arriver ?
Nous avons planté ceux-ci le 1er décembre et la première récolte aura lieu à la fin de février. Pour que nos plants soient aussi hauts (10 pieds et plus), nous les taillons continuellement en enlevant les feuilles. Les plants que vous avez dans votre jardin se ramifient en plusieurs tiges et poussent davantage à l’horizontale. En enlevant les feuilles, la pousse ici se fait à la verticale. La plante du poivron ne pousse pas naturellement vers le haut : nos employés doivent enrouler une corde de soutien autour de la tige pour qu’elle grimpe.
Il y a une fleur, ici. Est-ce qu’elle va se transformer en poivron ?
C’est sur la fleur qu’on voit que la croissance a commencé. En fait, lorsque vous mangez un poivron, vous mangez le centre de la fleur, qu’on appelle le pédoncule. C’est la partie centrale de la fleur qui va grossir et se transformer en fruit.
Il s’écoule combien de temps entre la floraison et la cueillette ?
Il y a environ huit semaines et demie entre la floraison et la cueillette. Nous commençons compter les poivrons lorsque les pédoncules ont la taille du bout du petit doigt. Nous savons à ce moment-là qu’ils vont rester accrochés à la plante. Il faut ensuite environ sept semaines pour que les poivrons gros comme le bout du petit doigt deviennent des poivrons entiers.
À quelle fréquence les poivrons sont-ils cueillis ?
Nous faisons la cueillette deux fois par semaine, quand les poivrons ont atteint 90 % de leur couleur. Il faut laisser un peu de vert de sorte qu’au moment où ils arrivent au magasin, ils sont entièrement colorés.
Pouvez-vous me dire ce qu’est le sachet qui pend aux plants de poivrons ?
Dans le secteur des serres, nous sommes parfois accusés d’utiliser une grande quantité de produits chimiques, mais nous avons en fait beaucoup réduit cette utilisation au cours des dernières années. Par contre, personne ne veut trouver des insectes dans les poivrons achetés à l’épicerie ! À l’intérieur des sachets se trouve un système de reproduction d’un « bon » insecte qui mangera les œufs d’un « mauvais » insecte. Les bons insectes sortent par le trou et se répandent très rapidement sur la plante. De cette façon, nous pouvons tuer les mauvais insectes « dans l’œuf ». Nous achetons les bons insectes pour enrayer les mauvais insectes et de cette façon, nous utilisons très peu de produits chimiques. Cette culture n’a pas encore été pulvérisée et ne recevra probablement qu’une ou deux pulvérisations sur toute l’année.
Vous dites que les gens ont cette idée que vous utilisez un tas de produits chimiques. Ce n’est pas votre but, en fait.
Je ne dis pas que nous n’utiliserons jamais de produits chimiques. Parfois, nous devons éliminer une concentration de mauvais insectes trop grande pour que les bons insectes parviennent à le faire. Nous faisons alors une pulvérisation ciblée. Nous devons le faire à l’occasion, mais très peu souvent.
Quelqu’un m’a déjà dit ne pas acheter de produits cultivés en serre parce qu’ils sont moins naturels. Du fait qu’ils ne poussent pas dans la terre, ils seraient moins nutritifs. Est-ce vrai ?
Regardons le terreau dans lequel pousse les poivrons. Ceux-ci poussent sur des plaques de coco, qui sont un support de culture fabriqué à partir d’enveloppes de noix de coco importées du Sri Lanka. Les plaques sont séchées, puis rincées afin d’enlever le sel, car elles en contiennent beaucoup. Ensuite, nous commençons à y faire pousser les plants de poivrons. Il s’agit d’une matière qui se rapproche davantage de la terre que la laine de roche, qui est un autre milieu de culture commun fait de fibres minérales à base de roche.
Nous insérons un goutteur dans le milieu de culture, par lequel l’eau et les nutriments parviennent jusqu’aux racines des plantes. Nous utilisons un engrais synthétique et il est donné à chaque plante. Chaque semaine, je mesure la quantité de nutriments éliminés de la plante comparativement à la quantité qu’elle a reçue et à partir de là, je fais une nouvelle recette de nutriments.
Vous êtes en faites le nutritionniste des plantes…
Je porte tous les chapeaux nécessaires ! Les poivrons cultivés en serre sont tout aussi nutritifs — les concentrations de CO2 sont en fait meilleures ici. La lumière et la température sont parfaites et permettent à la plante de produire un taux optimal de sucres.
La seule différence de goût entre un poivron de serre et un poivron des champs peut provenir du fait qu’un champ est exposé à des périodes sèches et humides. La concentration en sucres d’un poivron des champs peut donc être plus basse ou plus élevée. Dans un poivron de serre, les sucres peuvent être dilués car l’approvisionnement en eau est réglé. On peut dire que la concentration en sucres est plus précise dans une culture en serre, parce qu’elle est constante ; elle est parfaite, jour après jour.
Alors qu’un légume ait poussé dans un champ ou dans une serre, il est le même et il est bon pour vous. Mangez vos légumes et vos fruits, c’est ce qui compte. Nous sommes passés de la section des poivrons jaunes à celle des poivrons rouges dans la serre. Comment savez-vous qu’un poivron est prêt à cueillir ?
Nous recherchons habituellement les poivrons qui ont atteint leur couleur à 90 %. Nous ne voulons pas expédier des poivrons qui sont trop verts, parce qu’au moment où ils arrivent à l’épicerie, ils doivent être entièrement colorés.
Comme vous voyez, il y a des gens qui font la cueillette aujourd’hui. Plusieurs sont originaires d’autres pays. D’où viennent-ils ?
Nous employons ici environ 12 travailleurs de l’étranger. Nous complétons la main-d’œuvre locale de cette façon, afin de nous assurer que tout le travail est fait. Nous faisons en sorte que ce soit juste et équitable pour eux comme pour nous. Ce n’est pas facile de les faire venir au pays. Nous devons prouver au gouvernement canadien que nous ne pouvons pas embaucher de gens de la région ou qu’ils ne veulent pas faire le travail. Ensuite, le gouvernement nous donne une allocation pour faire venir des gens, et c’est strictement réglementé. Les travailleurs locaux recherchent une semaine de travail d’environ 40 heures, des congés fériés et des fins de semaine libres, alors nous faisons de notre mieux pour qu’ils soient satisfaits. La plupart de nos travailleurs qui viennent de l’étranger souhaitent plus d’heures de travail pendant leur séjour au Canada. Ils sont prêts à travailler la fin de semaine et durant les congés fériés, et travaillent en moyenne de 50 à 55 heures par semaine.
C’est une idée fausse que nous ne payons pas le salaire minimum à nos travailleurs étrangers, que nous les payons en quelque sorte moins que les Canadiens. Ils sont bien sûr payés au salaire minimum, c’est la loi. Nous payons également une partie de leurs frais de logement et ici, chaque employé est payé en plus à la pièce : la cueillette est payée au kilogramme, alors que la taille et l’emballage sont payés à la tige. Les travailleurs entrent les quantités de poivrons cueillies dans un système informatique et après validation, nous les payons sur la base du travail fait, ce qui représente une prime qui s’ajoute à leur salaire. C’est un incitatif à travailler plus rapidement.
Nous sommes passés de la serre à la salle d’emballage. Quelle est cette machine sophistiquée ?
C’est la ligne d’emballage. Tout est emballé sur place. Chaque boîte qui quitte l’installation pèse 5,1 kg. Au fond de la salle, il y a une balance pour peser les bacs et c’est comme ça que nous pouvons établir la rémunération à la pièce pour les cueilleurs.
Le bac est vidé dans la station de déversement, puis les poivrons sont acheminés au-delà de la ligne où leur qualité est vérifiée. De là, chaque poivron est pesé dans un gobelet relié à l’ordinateur parce qu’en tant que producteur, nous sommes payés selon la taille. Alors moins il faut de poivrons pour remplir une boîte, plus les poivrons sont lourds, plus nous sommes payés. Nous sommes moins payés pour les poivrons plus petits. Plusieurs des petits poivrons seront emballés, comme par exemple les mini poivrons, mais ce type d’emballage sera fait par le distributeur.
Chaque poivron qui quitte l’installation porte un code de produit, ou PLU, qui s’enregistre automatiquement et qui comprend le nom de notre entreprise et celui de notre distributeur.
Maintenant, j’aimerais dire aux gens où ils peuvent se procurer les poivrons qui proviennent de votre serre…
Ils sont vendus localement surtout, mais vous pouvez les reconnaître en magasin par leur code PLU, que ce soit en épicerie, chez Walmart, Provigo, Loblaws, Superstore ou Costco. Nos poivrons sont partout. Ils passent par un distributeur et sont expédiés à Toronto ou ailleurs.
Merci pour la visite, Joe.