par Matt McIntosh
La drêche, un sous-produit du brassage de la bière, est une précieuse source d’alimentation pour le bétail. En travaillant de pair, les agriculteurs et agricultrices, les brasseurs et brasseuses font des économies, évitent que des déchets organiques se retrouvent à la décharge et produisent deux produits alimentaires recherchés à partir d’un seul ingrédient.
Il faut beaucoup de céréales pour répondre à la demande de bonne bière. À la fin du processus, les brasseurs et brasseuses, de grande ou de microbrasserie, doivent trouver une façon de se débarrasser de la drêche, le résidu solide de l’orge qui a servi à faire la bière.
La production quotidienne de drêche étant importante, les éleveurs et éleveuses de bovins offrent aux brasseurs et brasseuses une solution respectueuse de l’environnement et financièrement avantageuse. Il s’avère en fait que pour les fermes d’élevage de bovins, la drêche est une véritable aubaine.

Un aliment sain
« En termes de valeur nutritive, la drêche a une teneur très élevée en protéines. C’est très bon pour les bovins et pour la santé de leur rumen », nous explique Will Stoneman, un éleveur de troisième génération qui élève un troupeau de 50 têtes de bovins Angus pur-sang dans sa ferme de la région de Hamilton.
« La drêche a généralement un taux d’humidité de 60 à 70 %. Quand le camion arrive, on voit l’eau qui s’écoule de la remorque. »
Par sa valeur nutritionnelle, la drêche produite par les brasseries constitue un ingrédient disponible et important dans l’alimentation du bétail. Elle représente à la ferme de Will environ 15 % de l’alimentation des vaches et des veaux, et jusqu’à 30 % de celle des plus gros bovins mâles. Cette alimentation est complétée par de la paille, du foin et de l’ensilage de maïs (fourrage) provenant de son exploitation et des exploitations voisines.
Will, qui vend sa viande de bœuf localement et sur le marché en gros, fait livrer à sa ferme de pleins camions de drêche, et jusqu’à 40 tonnes à la fois. Une firme de courtage spécialisée l’aide à coordonner les livraisons selon ses besoins et ceux des brasseries locales.
Une réduction des déchets organiques
Se débarrasser de la drêche est une nécessité pour les brasseries. Sans un marché du bétail facilement accessible, ce précieux sous-produit finirait autrement dans une décharge, aux frais des brasseries.
« En été, on fait habituellement 12 brassins par semaine. Chacun demande de 300 à 400 kilogrammes de céréales séchées et après le brassage, elles pèsent beaucoup plus. Ça s’additionne très vite », nous explique Gavin Anderson, brasseur artisanal et propriétaire de la Anderson Ales, à London, en Ontario.
Dans le cas de sa brasserie artisanale de taille moyenne, Gavin estime qu’il devrait débourser environ 600 $ par semaine pour se débarrasser de la drêche dans une décharge de matières organiques. Ce sont les éleveurs et les éleveuses de bovins de la région qui ont pris l’initiative de communiquer avec lui pour récupérer la drêche de sa brasserie, lui évitant ainsi une dépense importante.
La brasserie Anderson Ales fait actuellement affaire avec cinq fermes d’élevage différentes. Elle leur offre la drêche gratuitement, mais la coordination nécessaire pour trouver des plages de temps qui leur conviennent mutuellement représente parfois un défi.
« Nous devons faire ramasser la drêche à des moments précis de la journée et ce n’est pas toujours pratique pour un agriculteur de venir en après-midi », nous a confié Gavin.
« En été, il ne faut pas traîner, parce que la drêche dégage vite une odeur forte. »
Les agriculteurs et agricultrices, de même que les grands éleveurs et éleveuses sont tout aussi important.e.s pour les grandes brasseries. Selon Greg Rutledge, maître brasseur national pour les Brasseries Sleeman à Guelph, les fermes d’élevage absorbent à 100 % les 1200 tonnes métriques de drêche générées chaque mois par les Brasseries Sleeman. Comme le fait Will Stoneman, l’entreprise retient les services d’un courtier pour maintenir ce lien plus que nécessaire avec les fermes d’élevage.
Greg ajoute que le fait de tirer parti du marché des aliments pour animaux s’inscrit dans une plus vaste initiative de l’entreprise visant à ne gaspiller aucun sous-produit du brassage. Par exemple, les restes de levure sont vendus comme additifs de haute qualité pour l’alimentation du bétail.
« Nous prenons ces choses-là très au sérieux. Si c’était impossible de nous débarrasser des sous-produits de manière responsable, nous ne ferions tout simplement pas de bière », a ajouté Greg.

Des économies à la ferme
Alors que la plupart des brasseries offrent la drêche gratuitement, des quantités plus importantes sont monétisées. La valeur nutritionnelle de la drêche est si riche qu’elle vaut le coup pour plusieurs éleveurs et éleveuses.
Les livraisons de drêche à la ferme bovine de Will Stoneman proviennent en grande partie de brasseries telles que Molson, Labatt et Steam Whistle. Bien que certaines fermes d’élevage fassent affaire avec des brasseries artisanales locales, le coût d’achat et de livraison de la drêche est logique dans son cas, compte tenu du volume dont il a besoin.
Globalement, la drêche offre un moyen de réduire considérablement le coût de l’élevage des bovins.
« Si nous devions enrichir leur alimentation avec des granulés de protéines ou un grain à prix plus élevé, ça ferait grimper nos frais. Avec la drêche, on coupe 32 % des dépenses pour l’alimentation », ajoute Will.
« En termes d’économies pour un éleveur, c’est énorme. »