par John F.T. Scott
On m’interroge souvent sur les raisons sous-jacentes de l’augmentation rapide des prix des denrées alimentaires, en particulier au cours de la dernière année. La réponse est relativement simple : le coût des intrants a augmenté de façon spectaculaire à tous les niveaux de la chaîne alimentaire. Les producteurs primaires ont subi des augmentations substantielles des prix du carburant, des engrais et de la main-d’œuvre. De même, les transformateurs de produits alimentaires ont été confrontés à une augmentation des coûts des matières premières de base, de l’énergie, de la main-d’œuvre et de la distribution. Tous ces coûts se répercutent sur le détaillant qui subit des augmentations de même nature et doit maintenant répercuter la plupart des changements de prix sur le consommateur. Le détaillant étant le dernier point de contact et la partie la plus visible de la chaîne, toute tendance à la hausse des prix suscite la colère des consommateurs, des médias et même des pouvoirs publics. Le niveau d’inquiétude du public, alimenté par des médias à sensation, a même mené à la convocation des PDG des grandes chaînes d’alimentation devant des commissions parlementaires pour s’expliquer sur des pratiques qualifiées de « rapaces ». Nombre d’experts de la vente au détail se sont exprimés dans d’innombrables émissions de radio et de télévision, alors que les détaillants cotés en bourse ont été régulièrement éviscérés par les médias à chaque fois qu’un rapport sur les bénéfices était publié.
Pourtant, malgré toute cette attention gênante, les prix continuent d’augmenter. Pourquoi ?
Tout d’abord, permettez-moi de revenir en arrière pour situer le problème dans son contexte. Le secteur de la distribution alimentaire est très concentré au Canada. Cinq grandes entreprises contrôlent environ 83 % de toutes les denrées alimentaires distribuées par divers canaux, dont les magasins de détail, les franchises et les opérations de vente en gros. Le modèle d’entreprise comprend souvent une combinaison de magasins : supermarchés traditionnels, magasins spécialisés et magasins de vente au rabais. Chaque bannière propose également une gamme de produits maison à rabais et une gamme de produits de qualité supérieure qui ne sont vendues que par l’intermédiaire de leurs propres canaux de distribution. Les consommateurs font leurs achats dans des magasins différents pour des raisons différentes et la structure des prix reflète cette réalité. Chaque détaillant est extrêmement conscient de la nécessité absolue de respecter deux réalités essentielles : la salubrité alimentaire et la compétitivité des prix. Les détaillants doivent toujours être du côté des consommateurs et ceux qui augmentent les prix sans discernement risquent de rompre cette relation de confiance essentielle. Bref, personne ne veut augmenter les prix ne serait-ce que d’un cent !
Par conséquent, les fournisseurs qui vendent des marchandises à chaque détaillant comprennent que les augmentations de prix ne seront pas acceptées par le détaillant si le changement affecte l’équilibre concurrentiel sur le marché. Le fournisseur doit présenter des arguments extrêmement solides pour expliquer pourquoi le détaillant devrait accepter une augmentation. Si c’est le cas, il appartient alors au détaillant de déterminer la formule par laquelle les produits seront proposés au consommateur dans chaque type de magasin. Par exemple, les enseignes de magasins à rabais pratiquent des marges plus faibles sur les produits emballés que les magasins traditionnels. Certains proposent des prix innovants basés sur un assortiment limité, tandis que d’autres offrent des prix très bas, sans service et avec un assortiment « frais » de qualité inférieure. Les magasins traditionnels se concentrent sur un mélange de marges dans tous les rayons et sur des rayons de produits frais de qualité, tout en limitant l’offre de produits emballés à des marques de qualité supérieure et offrant un bon rapport qualité-prix, ainsi qu’aux deux marques nationales les plus importantes. Quel que soit le type de magasin ou la politique de prix, le détaillant doit veiller à ce que ses magasins soient toujours compétitifs.
L’augmentation des prix que les consommateurs subissent actuellement dans les magasins d’alimentation s’explique en partie par le fait qu’il existe un décalage entre le moment où le détaillant accepte d’acheter les marchandises et celui où ces produits se retrouvent effectivement sur les étagères. Il s’agit d’un contrat entre le détaillant et le fournisseur, qui est souvent conclu des mois à l’avance. Par exemple, la plupart des produits du temps des Fêtes, y compris ceux de marque privée, sont achetés six mois à l’avance. C’est pourquoi la plupart des détaillants sont en mesure de déclarer un moratoire sur les augmentations de prix de certains produits pour la durée d’une saison vedette. Dans ce cas, le détaillant est certain du coût du produit et peut souligner cette réalité en ne le faisant figurer que sur les produits de marque privée.
Ces contrats d’acquisition de produits, combinés au fait que le coût des intrants a continué à augmenter à l’automne, suggèrent que le consommateur peut s’attendre à de nouvelles hausses de prix dans les mois à venir. Si on ajoute à cela l’ajustement des prix récemment annoncé dans le secteur des produits laitiers soumis à la gestion de l’offre, les Canadiens et les Canadiennes subiront certainement une pression à la hausse sur les produits qui contiennent des ingrédients laitiers jusqu’à la toute fin de 2023.
Mais il y a de l’espoir. À l’automne dernier, nous avons commencé à observer une légère diminution des hausses de prix sur plusieurs produits. Cela signifie que les tendances inflationnistes rapides observées en 2022 devraient commencer à diminuer. Il ne fait aucun doute que la pression à la hausse se poursuivra, mais les augmentations devraient se faire à un rythme décroissant. De plus, compte tenu de sa nature intensément concurrentielle, le secteur de la distribution alimentaire déploiera régulièrement des mesures pour atténuer, voire inverser, cette tendance inacceptable. N’oubliez pas que le détaillant doit toujours être du côté du consommateur et que cela passe par le confort du coût d’acquisition des denrées alimentaires.