par Dara Gurau, Dt.P.
La semaine dernière, j’ai mangé un biscuit au déjeuner. Il était 7 h et je venais de finir de préparer le déjeuner préféré de chacun de mes enfants. Il restait un dernier biscuit moelleux aux brisures de chocolat et c’était exactement ce que j’avais envie de manger. En prenant la première bouchée, je me suis dit qu’il y a 15 ou 20 ans, jamais je ne me serais permis de faire ça. Selon moi à cette époque, un biscuit aux brisures de chocolat n’était vraiment pas un choix approprié pour le déjeuner.
Comme bien des gens, je suivais des diètes à répétition. Pendant que j’étais à l’université, je croyais que pour prendre soin de ma santé et de mon alimentation, je devais m’imposer une diète. Je n’avais pas toujours l’impression de le faire : je mangeais tout simplement « santé », je disais « changer mon style de vie ». Et pourtant, cette supposée attitude saine m’a poussée à ériger un système de règles et de restrictions qui ont fait de mon alimentation une expérience anxiogène.
Jamais je n’aurais mangé un biscuit à l’heure du déjeuner, mais si je l’avais fait, je me serais obligée à manger une salade au dîner. Cette mentalité a créé chez moi un état de stress et d’anxiété autour de la nourriture et de mon alimentation.
Et pourtant me voici aujourd’hui, diététiste professionnelle, mère de trois jeunes filles, assise à ma table de cuisine à 7 h du matin, en train de manger un biscuit parce que j’en ai envie : un tableau complètement différent de celui de ma jeunesse !

Qu’est-ce qui a changé ? J’ai découvert l’alimentation intuitive.
Cette « diète » attire beaucoup l’attention ces jours-ci, mais elle ne ressemble absolument en rien à l’idée qu’on se fait d’une diète typique. L’alimentation intuitive est une approche, une façon de concevoir la nourriture et l’alimentation qui ne se résume pas à une diète, à des règles ou à la volonté. Tout ce que vous devez faire, c’est écouter et répondre aux signaux de faim et de satiété que vous envoie votre corps.
Qu’est-ce que l’alimentation intuitive ?
L’approche de l’alimentation intuitive a été développée et proposée par deux diététistes professionnelles, Elyse Rech et Evelyn Tribole, en 1995. Elle fournit un cadre pour l’alimentation qui convient à tous (non pas seulement aux gens en surpoids) et qui s’appuie sur les résultats d’études cliniques. Son principe est simple : il faut apprendre à écouter les signaux de faim et de satiété de notre corps, en ne laissant jamais des influences extérieures comme les règles et les restrictions dicter ce que nous mangeons.
À la naissance, nous sommes tous des mangeurs intuitifs. Bébés, puis tout-petits, nous mangeons uniquement ce qui nous fait envie et arrêtons dès que notre ventre est plein. Et puis, progressivement, les choses changent : en devenant adulte, nous sommes exposés à toutes sortes de diètes et d’informations, vraies et fausses, et nos habitudes alimentaires deviennent davantage guidées par des règles plutôt que par notre instinct.
Les 10 principes de l’alimentation intuitive
L’alimentation intuitive repose sur 10 principes visant à nous aider à réapprendre à écouter les signaux physiologiques de la faim et de la satiété. Ce sont les seuls signaux qui devraient guider ce que nous mangeons, en faisant abstraction de tous les bruits qui courent et qui nous bombardent quotidiennement. Les 10 principes sont les suivants :
- Rejeter la mentalité des diètes
- Obéir à sa faim
- Faire la paix avec la nourriture
- Ne plus catégoriser les aliments
- Écouter la sensation de satiété
- Découvrir le plaisir de manger
- Accueillir ses émotions
- Respecter son corps
- Ressentir les bienfaits de l’activité physique
- Honorer sa santé par une nutrition bienveillante
Ces principes ne se veulent en rien une série de règles semblables à celles des diètes amaigrissantes. Ce sont des lignes directrices à suivre comme bon vous semble, qui ne visent qu’à vous aider à prendre conscience de vos signaux physiologiques, à écouter votre corps. Avec l’alimentation intuitive, vous vous donnez la permission inconditionnelle de manger ce que vous voulez, puis vous confiez à votre corps la tâche de vous signaler les aliments qui vous conviennent et la quantité dont vous avez besoin. Aucun aliment n’est interdit. Parfois, vous avez envie de manger une salade et à un autre moment, une pointe de gâteau. Vous pouvez vous laisser aller à manger l’un ou l’autre, sans vous demander si c’est un bon ou un mauvais aliment, sans culpabiliser à propos de votre choix.
Avec cette approche, vous dissociez l’alimentation de tout jugement moral. Vous abandonnez vos idées préconçues sur ce qui est bon ou mauvais, ce qui vous permet de manger sans culpabilité, sans stress et sans anxiété.
Ce que révèlent les études
Les bienfaits et les résultats positifs de l’alimentation intuitive sont documentés dans plus de 100 études. Certaines rapportent une hausse de l’estime de soi, une meilleure image corporelle, une réduction du taux de cholestérol, une meilleure tension artérielle, une baisse des troubles alimentaires, une amélioration du bien-être en général et de la satisfaction globale face à la vie.
Nous savons combien le stress est nuisible, alors le fait de réduire les tensions reliées à la nourriture et à l’alimentation — et nous avons trois occasions de le faire chaque jour ! — ne peut qu’être bénéfique pour tous et chacun de nous.
Et la nutrition, dans tout ça ?
Il peut sembler qu’en donnant la permission de manger sans se restreindre à certains aliments suppose que l’alimentation intuitive ne tient pas compte de la nutrition, mais ce n’est pas du tout le cas.
L’alimentation intuitive a après tout été conçue par deux diététistes et le dixième principe fait référence à la nutrition. Il y a une raison pour laquelle ce principe figure en dernier : c’est qu’il est essentiel de régler sa relation avec la nourriture avant de pouvoir l’appliquer. Bien que la nutrition joue un rôle important dans la santé globale, il n’en est pas l’élément le plus important. Notre attitude face à l’alimentation, les mots que nous choisissons pour en parler et la relation que nous avons avec la nourriture sont tout aussi, sinon plus importants que les aliments que nous mangeons.
La nutrition bienveillante nous invite à voir la nourriture et l’alimentation comme des moyens de prendre soin de soi, plutôt que de s’imposer un contrôle. Il s’agit de situer notre alimentation dans l’ensemble de notre vie, plutôt que de fixer notre attention sur chaque journée. Avoir de la bienveillance envers nous-même, c’est porter attention à la sensation que nous procure chaque aliment, plutôt que de le manger parce que c’est la bonne chose à faire.
On ne peut pas appeler « alimentation intuitive » le fait de manger n’importe quoi, n’importe quand et sans réfléchir toute la journée, ou de se gaver de toutes les sucreries dans la maison. C’est, entre autres, se lever chaque matin, comme tous les matins, et se donner la permission de manger ce qui nous fait envie, sans culpabiliser, comme je l’ai fait la semaine dernière en mangeant un biscuit à 7 h du matin. J’ai eu beaucoup de plaisir à le manger, mais la plupart du temps, mon déjeuner a une autre allure. Ou pas. Mais peu importe ce que je choisis de manger dans l’esprit de l’alimentation intuitive, j’ai la permission d’écouter mon corps, de manger ce que je veux et de nourrir mon corps de manière à ce que je me sente bien.