
Andrew Campbell
Ketchup, sauce pour pâtes, sauce à pizza, salsa : la tomate fait partie intégrante de la cuisine au Canada. Et comme c’est le cas pour la plupart des produits à la base des aliments préparés, le développement de la saveur de la tomate débute à la ferme.
La tomate est cultivée dans l’extrême sud de l’Ontario depuis des décennies. D’importants transformateurs y collaborent avec des familles d’agriculteurs pour offrir aux consommateurs canadiens des produits de la plus grande qualité. La culture des tomates destinées à la production de la pâte de tomates, par exemple, est très différente de celle des tomates entières que l’on trouve en épicerie. En fait, des cultivars de tomates sont créés spécifiquement pour la transformation. C’est pourquoi cette visite à la ferme de Dave est si fascinante, car vous pourrez découvrir ces différences et remonter aux origines du fameux ketchup !
Merci de nous recevoir, Dave. Vous produisez des tomates ici depuis combien de temps ?
Mon grand-père a immigré au Canada dans les années 1920 et a économisé jusqu’à ce qu’il puisse acheter sa première ferme, en 1949. Il a commencé à cultiver des tomates pour une petite compagnie appelée Heinz, en 1950. Nous avons cultivé des tomates pendant 64 ans, jusqu’à ce que Heinz décide de mettre fin aux opérations après la récolte de 2013.
Wow, c’est tout un bail, comme on dit ! Qu’est-ce qui s’est passé après ? Cultivez-vous encore des tomates ?
Oui, nous cultivons toujours des tomates. En 2014, nous n’avons pas pu conclure d’entente, mais en 2015, nous avons repris la culture pour un petit transformateur, Thomas Canning. En ce moment, nous cultivons nos tomates pour Highbury Canco, une entreprise formée pour faire l’acquisition des actifs de la compagnie Heinz.
Tant mieux ! Vos tomates servent à préparer quels types de produits ? Parce que je vois bien que ces tomates-ci n’ont rien à voir avec celles que je mets dans mon sandwich BLT !
Effectivement. Les tomates pour vos sandwichs proviennent de nos serres. Celles que nous cultivons dans les champs servent à préparer trois produits : la pâte de tomates, les conserves de tomates entières et le jus de tomate. Les tomates que vous voyez dans ce champ sont destinées à Highbury Canco et elles seront transformées en jus ou en pâte de tomates. La pâte de tomates sert ensuite à la préparation du ketchup (de marque French’s), de la salsa et de sauces pour pâtes.
Super. Je vois que c’est jour de récolte, aujourd’hui. Quelle est la différence entre ces tomates-ci et celles qui sont cultivées en serre pour le marché des produits frais ?
Ce cultivar a été créé par des sélectionneurs pour résister aux rigueurs de la récolte mécanique. Jusqu’en 1988, nous cultivions des tomates plus grosses que nous devions récolter à la main, mais celles-ci sont récoltées à la machine. Si vous coupez une de ces tomates rouges en deux lorsqu’elle est bien mûre, vous verrez que ses parois cellulaires sont très épaisses. Elles peuvent donc passer dans une machine sans se meurtrir, ce qui fait gagner du temps et nécessite moins de main-d’œuvre.
En plus, la plupart de ces tomates seront transformées en moins de 24 heures pour optimiser la fraîcheur du produit. Elles se retrouveront dans une conserve, une bouteille, un silo de stockage ou une caisse avant le lever du soleil demain matin !
Est-ce que ces tomates ont le même goût que celles que j’achète à l’épicerie ?
Oui, elles ont le même goût que les tomates ordinaires. Elles ne sont pas sélectionnées pour leur donner une saveur particulière, mais c’est évidemment important qu’elles aient bon goût. Les cultivars sont créés avec différentes caractéristiques recherchées par les consommateurs, comme la viscosité et l’épaisseur de la chair.
Pensons au ketchup, par exemple. Vous n’avez pas envie qu’il coule de votre hamburger, vous voulez plutôt qu’il tombe et qu’il y reste. Alors ces tomates sont créées pour donner une sauce épaisse. Plusieurs de ces tomates rougissent en fait de l’intérieur vers l’extérieur, alors c’est en les coupant que vous voyez leur véritable couleur.
On voit combien la paroi est épaisse et la pelure, aussi. J’ai mangé une de ces tomates avant le début de notre entretien et je peux dire que la paroi extérieure est beaucoup plus dense.
Nous sommes en septembre et vous êtes en période de récolte, mais il a fallu beaucoup de travail pour mener ces tomates jusqu’à maturité. Que devez-vous faire pour obtenir des tomates rouges bien mûres ?
Nous réfléchissons habituellement à notre récolte de tomates plus d’un an à l’avance. À ce stade de la préparation, nous pensons en fait à la récolte qui va la précéder. Nous aimons par exemple cultiver du blé avant de cultiver les tomates, pour bien préparer le sol. Nous appliquons au besoin de la chaux agricole et d’autres fertilisants. La culture de la tomate exige effectivement beaucoup de soins particuliers pour optimiser la production, au niveau de la qualité, bien sûr, mais du rendement également si nous voulons faire des profits.
Nous recevons nos repiqués de tomates au printemps. Nous ne cultivons pas nos tomates à partir de graines, car la saison de croissance au Canada est plus courte qu’en Californie, qui est le plus grand bassin de production de tomates au monde.
Alors les graines sont plantées en serre ici, entre la mi-mars et la mi-avril, et à partir du mois de mai, nous plantons des repiqués de tomates de cinq pouces (15 cm) de hauteur. Nous avons des repiqueuses semi-automatiques et entièrement automatiques qui plantent deux rangées – il y a en fait deux rangées de plants de tomates ici. Nous appliquons une certaine quantité de fertilisants avant la plantation, puis nous devons en prendre soin tout au long de la croissance.
Au cours des 10 ou 15 dernières années, nous avons connu quelques périodes de sécheresse dans la région. Nous avons réagi en installant un système d’irrigation par technique de bande perforée, enfoncée 8 pouces (20 centimètres) sous terre au centre de chaque rangée. Le système est équipé d’émetteurs espacés de 12 pouces (30 cm). La source d’eau est le lac Érié, à environ trois kilomètres d’ici. Je fais également affaire avec une compagnie de distribution qui transporte l’eau jusqu’à nos champs. Comme nous pompons l’eau non traitée, nous pouvons irriguer à partir du système et directement vers nos canalisations enfouies dans le sol.
Pourquoi avez-vous choisi un système d’irrigation enfoui plutôt que des canons à eau qui arroseraient partout ?
Le système de canons à eau n’est pas le plus efficace. Il fonctionne, c’est sûr, mais pour nos tomates, nous avons préféré enfouir la bande perforée au moyen de la technologie de positionnement GPS cinématique en temps réel (technologie RTK). On peut les laisser dans le sol pendant 10 ans. Plusieurs agriculteurs vont laisser la bande perforée à la surface du sol et s’en servir pendant seulement une saison. C’est vrai que nous l’avons retirée du sol il y a trois ans ; nous avons récupéré la bande, puis nous l’avons réinstallée. Nous avons déplacé une rangée d’arbres et repositionné le lit pour qu’il soit un peu plus efficace. Vous voyez ici des rangées d’environ 1,6 kilomètre, que nous avons divisées en quatre zones. C’est pour ça que nous avons choisi ce système d’irrigation.
Je suis vraiment impressionné par ce que je vois. Alors vous voulez dire que ces tomates sur vigne sont au même endroit qu’il y a deux ou trois saisons ?
C’est ça. Nous faisons la rotation d’autres cultures au-dessus de ce système d’irrigation enfoui dans le sol. Nous devons faire attention de ne pas endommager la bande et les canalisations lorsque nous labourons la terre pendant les années où la culture des tomates est suspendue. Nous travaillons la terre un peu : pendant les années intercalaires, nous ne faisons aucun labour ou simplement un labour de conservation du sol. Évidemment, la culture de la tomate demande beaucoup de soins, alors il nous arrive de remuer légèrement la terre pour niveler le champ, en restant toujours au-dessus de la bande perforée.
C’est clair que vous avez consacré beaucoup de temps à dorloter vos plants de tomates pour en arriver jusqu’ici ! C’est jour de récolte aujourd’hui. Pouvez-vous m’expliquer comment fonctionne la récolteuse ?
Une récolteuse fonctionne sur un principe semblable à celui d’une moissonneuse à grains, comme le blé ou le canola, à d’autres grains ou graines oléagineuses que les gens connaissent. Il y a des disques rotatifs situés au niveau du sol ou légèrement au-dessus qui retirent toute la plante pour la récolter dans la machine. Nous visons une récolte concentrée, alors les variétés que nous cultivons sont sélectionnées de manière à parvenir à maturité en même temps afin que nous puissions récolter au même moment des fruits rouges et bien mûrs.
Une fois récoltés, les plants sont transportés vers le haut afin de subir un léger secouage. Les tomates tombent au travers d’une chaîne à maillons largement espacés, mais tout de même assez étroits pour capturer les vignes vers l’arrière, où elles seront déchiquetées, compostées et retournées dans le sol. Les tomates qui sont tombées sont déversées des deux côtés de la machine, puis des gens s’occupent de les trier à la main. D’autres s’assurent de retirer les cailloux ou les morceaux de vigne qui pourraient obstruer la machine.
Les tomates passent ensuite devant un œil électronique qui détecte et détourne la plupart tomates vertes vers le sol. Ces tomates seront réduites en une purée qui sera intégrée à divers produits, car une petite quantité de fruit immature aide en fait à épaissir le ketchup ou la sauce tomate.
Les tomates se retrouvent sur des chariots. Que se passe-t-il après ?
Idéalement, pendant le jour, nous transportons les tomates vers Highbury Canco. Ils sont en activité 24 heures par jour, sept jours par semaine. Avec nos voisins agriculteurs qui cultivent aussi la tomate, nous avons instauré un système de navettes qui permet à nos employés de traiter la récolte. Les tomates seront triées, classées, pesées, puis déchargées à l’usine de transformation. Tout ce processus doit être complété dans les 24 heures qui suivent la récolte.