par Dara Gurau, RD
Offrir pour la première fois un aliment solide à son bébé est une étape marquante et plutôt excitante. Mais l’excitation s’accompagne parfois d’une part stress.
Au moment d’introduire les aliments solides (aussi appelés aliments complémentaires) dans l’alimentation de mes enfants, j’ai fait beaucoup de recherche. En tant que mère et diététiste, je voulais m’assurer de bien faire les choses. De nos jours, la société exerce énormément de pression sur les parents et les éducateur.trice.s. Le moindre geste, la moindre décision parentale est examinée et critiquée, surtout lorsqu’il est question de l’alimentation des enfants. La surcharge d’informations et de messages contradictoires véhiculés dans les médias sociaux, endossés par des célébrités, les nombreux conseils de la famille et des amis, font de l’alimentation de nos enfants un sujet extrêmement complexe. La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de se simplifier la vie.

Bien nourrir votre bébé ne devrait pas être une tâche angoissante, car il s’agit d’une étape fascinante de son développement. Avec un peu d’attention et de soins, c’est le moment où on peut donner à son enfant le goût de manger et lui permettre d’acquérir pour la vie les bases d’une relation saine avec la nourriture.
Laissez-moi vous aider à démêler l’information et à faire de l’introduction des aliments solides une expérience positive pour votre bébé, pour vous et pour toute la famille.
Quand introduire les aliments solides ?
L’Organisation mondiale de la Santé recommande d’introduire les aliments solides au 6e mois. Jusqu’à cet âge, le lait (maternel ou maternisé) comble les besoins nutritionnels de la plupart des bébés. Après le 6e mois, le bébé se nourrit principalement de lait, mais il lui faut plus de fer. Ce sont les aliments solides qui peuvent lui assurer un apport suffisant en fer et lui fournir d’autres nutriments essentiels à sa croissance. À cet âge, votre bébé est prêt à découvrir de nouvelles saveurs et de nouvelles textures, à bâtir sa résistance aux allergies, à développer sa motricité et, bien sûr, à beaucoup s’amuser !
Voici les signes qui vous aideront à déterminer si votre bébé est prêt à commencer à manger des aliments solides
- Votre bébé commence à s’intéresser à la nourriture que vous mangez
- Votre bébé soutient et contrôle sa tête.
- Votre bébé est capable de se tenir sans aide dans une chaise haute.
- Votre bébé ouvre la bouche lorsque vous approchez la cuillère.
Ma deuxième fille m’a fait savoir très clairement qu’elle était prête à manger des aliments solides quand, du haut de sa chaise placée près de moi, elle m’a arraché des mains une pointe de pizza ! Les signes sont parfois plus subtils, mais vous saurez quand votre bébé aura envie de passer à l’étape suivante dans son alimentation.

Comment partir du bon pied
Dès le premier jour, mes filles m’ont accompagnée dans la cuisine. Bébé, je les gardais près de moi dans leur petit siège. Dès qu’elles ont pu saisir des jouets, je leur ai donné des cuillères et des spatules. Et lorsqu’elles se tenaient bien droites dans leur chaise haute, je leur ai fait une place à table. De cette façon, lorsque le moment est venu de leur donner des aliments solides, la transition s’est faite tout doucement. En invitant bébé dans la cuisine et à table, vous l’initier peu à peu aux couleurs et aux odeurs des aliments, vous l’intégrer à la famille, ce qui facilite beaucoup l’introduction progressive des aliments solides.
À 6 mois, la plupart des bébés sont prêts à explorer toute une variété de textures : purées fines, aliments écrasés grossièrement, hachés ou broyés, et qui se mangent facilement avec les doigts. Tous les bébés sont différents. Certains préfèrent les purées très lisses, d’autres aiment plutôt manger des aliments mous avec les doigts. L’important est de suivre les goûts de son bébé et de ne pas s’en faire si les choses ne se déroulent pas comme vous l’aviez prévu.
Mon premier enfant voulait seulement manger de la purée. Dès le premier jour, ma deuxième insistait pour manger avec ses doigts. Et la plus jeune aimait toutes les textures, alors je lui servais une combinaison de purées et d’aliments à manger avec les doigts. Bien que j’aurais aimé que tous les trois commencent par les purées, je les ai laissé me guider et c’est ce qui a fait tomber le stress. Si votre bébé n’accepte que les purées, je vous suggère de déposer quand même des aliments mous à manger avec les doigts sur son plateau. De cette façon, vous lui donnerez la possibilité de s’alimenter de manière autonome, de développer sa motricité fine, et de découvrir la sensation de tenir des aliments dans ses mains.
Quel que soit le chemin que vous empruntez, l’important est de se rappeler qu’il n’y a pas une seule bonne façon de nourrir son bébé. Personne ne connaît votre bébé mieux que vous, alors continuez de lui porter attention. Si vous ne savez pas quel aliment lui offrir en premier, tentez une petite expérience en lui offrant quelques aliments de textures différentes et voyez ce qu’il ou elle préfère. À l’âge de 9 mois, les bébés devraient manger des aliments de textures diverses et participer aux repas familiaux. Cette transition se fera tout en douceur si vous avez habitué votre bébé à s’asseoir à table avec les autres à l’heure des repas. Vous aurez peut-être à adapter certains plats afin que la texture soit appropriée ou cuisiner en ajoutant moins de sel ou de sucre.

Les signes de la faim et de la satiété
Que vous ayez commencé par les purées ou par les aliments à manger avec les doigts, votre bébé vous laissera savoir s’il a encore faim ou s’il est rassasi
é. En tant que parent ou éducateur.trice, nous devons faire de notre mieux pour respecter les signes et ne pas interférer.
Tous les bébés naissent avec une capacité innée à reconnaître les sensations de faim et de satiété. Il est important de leur porter attention afin de détecter les signes qu’ils n’ont plus faim et éviter de les encourager à prendre une bouchée de plus, d’avoir recours à des trucs sournois comme celui de l’avion ou de «la petite auto qui veut entrer dans le garage» pour leur faire avaler deux ou trois autres cuillerées de purée. Je connais ces trucs, car je les ai utilisés moi-même ! Quand mon aîné se nourrissait avec les doigts, j’inventais de petits jeux pour l’encourager à manger davantage de protéines, mais c’était une erreur. Mon insistance créait une distraction qui l’empêchait de reconnaître les signaux de la faim et de la satiété, et qui avait pour conséquence de lui faire rejeter encore plus les aliments protéinés.
Il vaut mieux prêter une attention particulière aux signes de satiété. Voici quelques signes par lesquels votre bébé vous fait savoir qu’il ou elle a suffisamment mangé :
- Ferme la bouche lorsque vous approchez la cuillère
- Joue avec sa nourriture plutôt que de la manger
- S’agite de plus en plus dans sa chaise haute
- Repousse la nourriture
- Pleure dans sa chaise haute.
D’autre part, bébé a encore faim lorsqu’il ou elle :
- Ouvre grand la bouche en voyant la cuillère
- Essaie d’attraper et de porter à sa bouche la nourriture qui se trouve sur son plateau
- S’excite et claque des lèvres lorsque vous déposez de la nourriture sur son plateau.
En observant votre bébé, vous apprendrez peu à peu à savoir quand il ou elle a faim ou a terminé, ce qui rend l’heure de son repas beaucoup plus agréable pour tout le monde.
Comment introduire de nouveaux aliments
Lorsque bébé et âgé de 6 mois, ses besoins en fer augmentent, car ses réserves en fer commencent à s’épuiser. Un apport trop bas en fer peut affecter sa croissance et son développement, et c’est pourquoi il est si important que les bébés mangent à cet âge des aliments qui contiennent du fer. La croyance populaire veut que l’on commence par leur donner des céréales enrichies de fer, mais il y a d’autres options. La viande, les œufs entiers, le tofu, les légumineuses et les lentilles sont d’excellentes sources de fer et des aliments solides appropriés pour les bébés dès le 6e mois.
Dès que votre bébé a commencé à manger différents aliments riches en fer, ça devient intéressant ! Vient alors le temps de lui donner des légumes et des fruits. Les pommes cuites, les pêches, le brocoli et les carottes sont de bonnes options, que vous pouvez offrir à manger avec les doigts ou réduire en purées plus ou moins lisses. Les céréales à grain unique enrichies de fer sont une excellente façon de vous assurer que votre bébé a le fer dont il a besoin. Par la suite, vous pouvez introduire d’autres grains entiers, comme l’avoine et l’orge. Les noix et les beurres de noix peuvent être introduits au même moment que les produits laitiers, comme le yogourt et le fromage. Il vaut mieux attendre du 9e au 12e mois pour introduire le lait de vache en tant que boisson.
Rappelez-vous que tous les bébés sont différents. L’introduction d’un nouvel aliment solide représente une toute nouvelle expérience et l’occasion d’explorer de nouvelles saveurs et de nouvelles textures. Si votre bébé ne mange pas tout de suite un nouvel aliment, ne vous découragez pas. Il faut parfois de 15 à 20 expositions pour que les bébés et les enfants acceptent un nouvel aliment. Alors continuez de présenter à votre bébé une variété d’aliments, dans un environnement paisible et surtout, sans insister. Lorsqu’elle était bébé, ma grande refusait de manger du brocoli, mais nous voici sept ans plus tard et le brocoli est l’un de ses aliments préférés. C’est la preuve qu’il ne faut pas lâcher !
Et les allergies alimentaires ?
La Société canadienne de pédiatrie recommande d’introduire au 6e mois les allergènes les plus courants, comme les œufs, les noix et les beurres de noix, les produits laitiers et les fruits de mer. Il ne serait donc plus nécessaire d’attendre que bébé mange une plus grande variété d’aliments avant d’introduire ceux qui causent communément des allergies. Il a été démontré également qu’il n’y a aucun avantage à retarder l’introduction des allergènes courants chez les bébés qui présentent un risque plus élevé de développer des allergies alimentaires. Toutefois, une fois que votre bébé a goûté pour la première fois à l’un de ces aliments, tel le beurre d’arachides, il est conseillé de lui en donner régulièrement afin qu’il ou elle maintienne sa tolérance. C’est de cette façon que l’on peut aider à prévenir l’apparition d’une allergie alimentaire chez un enfant.
C’est une bonne idée d’introduire un aliment allergène pendant la journée afin que vous puissiez observer la réaction de votre bébé. Il vaut mieux introduire un aliment allergène à la fois, puis attendre quelques jours avant d’en introduire un autre. De cette façon, si votre bébé a une réaction, vous saurez plus rapidement lequel des aliments a causé l’allergie. Vous ferez ainsi un bon travail de détective ! Lorsque nous avons donné du beurre d’amandes à notre petite dernière, elle a développé des rougeurs sur la peau. Si nous avions mélangé le beurre d’amandes à du yogourt ou à du beurre d’arachides, il n’aurait pas été aussi facile de trouver lequel des trois aliments avaient causé cette réaction.
Le plus important, c’est de s’amuser (et de ne pas trop s’en faire avec les dégâts !)
Les premiers jours, les premières semaines et même les premiers mois qui suivent l’introduction d’aliments solides sont une période d’apprentissage tant pour vous que pour votre bébé. Il s’agit d’une toute nouvelle expérience et il faut du temps pour que tout le monde s’y fasse. C’est une merveilleuse aventure pour votre bébé et une joie pour toute la famille de le ou la voir découvrir et réagir à tant de nouvelles textures et de nouvelles saveurs. Manger des aliments solides est une compétence toute nouvelle et votre bébé aura besoin de temps pour l’acquérir. Alors prenez patience, ignorez les dégâts (vaut mieux en rire) et amusez-vous !