par Andrew Campbell
Si l’été avait un goût, ce serait celui des fraises. Ces précieux petits fruits rouges à la chair sucrée, cueillis à maturité, font nos délices dans les salades, les desserts ou lorsqu’on les mange tout simplement avec les doigts. Pour un producteur de fraises, le travail ne se limite pas à la cueillette : il lui faut dépenser au cours de toute l’année des centaines d’heures pour préparer des plants de fraises viables. La famille Heeman cultive des fraises depuis des décennies. Comme leur expérience est vaste, depuis les champs jusqu’à leur marché à la ferme, je me suis dit que le fils Will qui appartient à la troisième génération pourrait facilement répondre à toutes nos questions sur les fraises.
Les cultivateurs plantent-ils des graines dans les champs ?
Les fraises des champs proviennent de la plantation de fraisiers et non pas de graines. La plupart des espèces de fraises des champs sont des hybrides issus de la pollinisation croisée de deux espèces, effectuée par des sélectionneurs de plantes pour augmenter la résistance aux maladies, la taille des baies et du plant lui-même. On appelle « stolon » la longue tige rampante provenant de la plante-mère de l’hybride qui va s’enraciner pour donner naissance à un nouveau pied de fraisier. En plantant des fraisiers présentant tous les mêmes caractéristiques, le cultivateur assure l’uniformité de sa culture. S’il plantait des graines, les résultats seraient variés, car chaque fraisier présenterait des caractéristiques de l’une ou de l’autre des plantes parentales ayant servi à créer l’hybride, plutôt que l’ensemble des caractéristiques unique à l’hybride.
Comment les cultivateurs plantent-ils les stolons de fraisiers ?
Les cultivateurs effectuent la plantation des stolons à l’aide d’une repiqueuse mécanique. Cette pièce d’équipement agricole est tirée au travers des champs par un tracteur.
Voici comment on plante les fraisiers à la ferme des Heeman.
Huit personnes peuvent prendre place sur la repiqueuse des Heeman, sur des sièges placés côte à côte, ce qui permet de planter simultanément quatre rangs de fraisiers. Chaque personne a devant elle un bac rempli de stolons de fraisiers et l’équipe travaille en paire pour planter les fraisiers deux par deux afin de former un rang. Les deux membres de chaque équipe se relaient pour placer les stolons de fraisiers entre les pinces de la roue distributrice, qui s’ouvrent pour recevoir les stolons, se resserrent pour les maintenir et enfin les libèrent au moment où des roues de rappuyage les maintiennent et les enfoncent dans la terre. Au-dessus de chaque siège se trouve un rouleau d’une gaine perforée que chaque équipe installe au fur et à mesure dans le sol pour créer un système d’irrigation local au goutte-à-goutte.
Qu’est-ce qu’une gaine d’irrigation au goutte-à-goutte et à quoi serre-t-elle ?
La gaine d’irrigation ressemble à un boyau d’arrosage aplati perforé de petits trous qui permet d’irriguer chaque fraisier à la racine. Ce système assure non seulement une irrigation très précise, mais permet d’économiser l’eau. En fait, la gaine d’irrigation utilise 75 pour cent moins d’eau qu’un système d’arrosage de surface classique.
Comment poussent les fraises ?
Une fraise produit une fleur, qui donne à son tour une fraise. Ce que nous appelons « fraise » est en réalité le réceptacle jaune au centre de la fleur, donc un faux-fruit, qui prend une consistance charnue et croît après la fécondation et la chute des pétales. Chaque branche du fraisier donne de trois à huit fleurs (avec de la chance !). La première fraise à apparaître sur le fraisier est la plus grosse et la première qui sera cueillie. Au Québec et en Ontario, les consommateurs remarquent combien la taille des fraises locales peut varier. Contrairement aux fraises importées, nos fraises voient leur taille changer à mesure qu’elles poussent. Le fraisier consacre une grande part de son énergie à produire la première fraise et un peu moins pour produire les suivantes. D’ailleurs, au fil de la saison, les fraises sont de plus en plus petites. Les cueilleurs les classent au champ selon leur taille afin de faciliter l’emballage pour la mise en vente.
Pourquoi les cultivateurs mettent-ils du paillis dans les champs de fraises ?
Le paillage des plants de fraises remplit plusieurs fonctions importantes. Entre les rangs, le paillis aide à freiner la pousse des mauvaises herbes. À la fin de l’automne, il est entassé sur les fraisiers pour protéger la racine et la couronne de la plante contre le froid. Au printemps, on remplace ce paillis par une fine couche que l’on étale sous le feuillage afin d’éviter que les fraises ne soient éclaboussées de boue pendant les pluies printanières. Les fraises restent ainsi propres jusqu’à la cueillette.
Est-ce qu’il a plusieurs types de fraises ? Et qu’est-ce qu’une couverture de rang ?
Il existe plusieurs types ou variétés de fraises. Une meilleure sélection des plantes et une évolution des techniques de culture ont de plus renforcé les fraisiers. Il y a vingt ans, la saison des fraises ne durait que de trois à sept semaines, alors que de nos jours, elle s’étend sur cinq mois. Nos grands-parents ne cultivaient que la fraise de juin. Le fraisier fleurissait au printemps, lorsque les journées commençaient à allonger, mais ce n’est que 30 jours plus tard qu’il produisait sa première fraise. Si les cultivateurs plantaient cette seule variété de fraisier, la saison des fraises ne durerait qu’environ deux semaines.
Les fraisiers remontants — qui sont relativement récents — sont incroyables par la durée de leur saison de croissance et par leur goût. Ils produisent dès le début du mois de mai et aussi tard qu’en novembre. Ces fraisiers sont photo-apériodiques, c’est-à-dire qu’ils sont indifférents à la durée quotidienne d’éclairement : les plants n’ont besoin que de chaleur pour croître.
Les cultivateurs de fraises canadiens plantent en général plusieurs variétés de fraises : certaines, dites précoces, produisent tôt dans la saison, d’autres à mi-saison et d’autres variétés sont tardives. En diversifiant ainsi les variétés et en utilisant des couvertures de rangs pour que les fraisiers aient un peu plus de chaleur au printemps, ils peuvent jouir d’une saison plus longue. Les couvertures de rangs peuvent allonger une saison de sept jours et la faire débuter plus tôt.
Est-ce que les fraises contiennent beaucoup de pesticides ?
Chaque année, un groupe environnementaliste publie aux États-Unis le palmarès des fruits et des légumes contenant un niveau élevé de pesticides. Les fraises se retrouvent souvent en tête de liste, mais des scientifiques du monde entier ont réfuté ces résultats.
Santé Canada a la responsabilité de s’assurer que tous les pesticides utilisés en production traditionnelle ou biologique soient sans risque pour l’environnement et pour la population. Ceci tient compte des résidus de pesticides dans les denrées alimentaires. Alors que la plupart des fruits et des légumes cultivés au Canada ne présentent aucun résidu de pesticide détectable, il est important de comprendre que le seul fait de détecter un résidu de pesticide dans un aliment n’est pas synonyme de risque sur le plan de la sécurité.
Les instruments scientifiques sont si précis qu’un résidu peut être mesuré en parties par milliard. C’est l’équivalent d’une seconde en 32 années, d’une goutte d’eau dans une piscine de taille olympique ou d’un brin d’herbe sur un terrain de football. Selon le calculateur du site américain safefruitsandveggies.com (en anglais seulement) de l’alliance de l’alimentation et de l’agriculture, une femme pourrait consommer 454 portions de fraises en une seule journée sans subir aucun effet relié aux résidus de pesticides.
En conclusion, que vous consommiez des fraises issues de la culture traditionnelle ou biologique, gardez comme objectif de manger davantage de fruits et de légumes… et de fraises locales !
Afin de connaître les variétés de fraises disponibles au Québec, consultez le site Fraîcheur Québec.