par Gabby Peyton
Entre le carré et la croustade, le carré aux dattes balance, mais il n’a pas à se fixer, car il est parfait comme il est ! À la fois friable et onctueux, sucré à souhait, le carré aux dattes est populaire dans tout le Canada et connu sous une douzaine de noms différents, dont « gâteau matrimonial », pour des raisons très évidentes (!) que je vous explique un peu plus bas.
Délicieux au carré
Qu’est-ce qu’un carré aux dattes, au juste ? Il s’agit d’un dessert composé de deux couches de farine d’avoine au beurre et à la cassonade, entre lesquelles est intercalée une couche de pâte de dattes sucrées. Il est cuit au four, puis découpé en carrés et dégusté goulument par des milliers d’adeptes, car les carrés aux dattes font l’objet d’un véritable culte au Canada.
La recette des carrés aux dattes peut varier. Certaines recettes suggèrent d’ajouter de la cannelle au mélange de flocons d’avoine et d’autres, d’aromatiser la garniture aux dattes avec de l’extrait d’amande ou du citron (le jus et le zeste). D’autres encore incluent des écorces d’agrumes confites, des noix de Grenoble ou des pacanes dans la garniture aux dattes.
Cependant, la plus grande différence entre les carrés aux dattes n’est pas la liste des ingrédients, mais le nom ! Dans tout le pays, le carré aux dattes est connu sous au moins une douzaine d’alias, comme par exemple : gâteau matrimonial, carrés matrimoniaux, barres matrimoniales, croustade ou crumble aux dattes, gâteau Toni, gâteau sandwich aux dattes et enfin, carrés aux dattes.
Une histoire de grand-mère ?
Ce sont sûrement les grands-mères qui racontent le mieux l’histoire des carrés aux dattes à travers le pays et comment ils en sont venus à symboliser le mariage et les rencontres amoureuses.
Pour certains, les couches symbolisent les couples qui se font la cour, puis qui scellent le lien (ou la jonction des couches) par le mariage. D’autres, dans les Prairies, se souviennent qu’on les appelait les « barres matrimoniales » parce qu’elles étaient « un couple de miettes collées ensemble par quelques dates (ou rencontres) ». Ou encore, qu’un carré aux dattes représentait le mariage parce que malgré une apparence granuleuse, sa base est solide et son cœur est tendre.
Une histoire sucrée-salée
Quel que soit le nom qu’on lui donne, on ne connaît pas l’origine exacte du carré aux dattes. Bien qu’il soit populaire dans le Midwest américain, malgré des preuves trouvées dans des journaux de l’Ohio à l’effet que leur recette aurait été « empruntée » à celle des barres matrimoniales dans les années 1930. Alors tout porte à croire que le carré aux dattes est canadien, car le nom éveille dans toute la population un sentiment de douce nostalgie, de l’île de Vancouver à St. John’s.
Il ne serait pas faux de penser que c’est la vague d’immigration allemande dans les Prairies à la fin des années 1800 qui est à l’origine de la création du carré aux dattes, car sa préparation n’est pas différente de celle d’un streusel.
Un lien avec l’Islande est également apparu dans l’Ouest canadien, où certaines personnes disent que le nom de « gâteau matrimonial » pour désigner les carrés aux dattes serait une traduction du « Happy Wedding Cake » islandais, bien que certains boulangers utilisent là-bas de la confiture de rhubarbe au lieu de la purée de dattes.
D’autres histoires racontent que des immigrant.e.s écossais.e.s auraient apporté au Canada leur version d’un gâteau de mariage : deux couches de gâteau aux fruits (la première faite à l’annonce des fiançailles, la seconde juste avant le mariage) sont superposées et servies à la réception suivant le mariage.
Une recette à succès
Une chose certaine est que les carrés aux dattes sont apparus dans les boulangeries et dans les livres de cuisine commandités par des marques (comme Le livre de recettes Purity Cookbook et La Cuisinière Five Roses) dès les années 1920, mais leur popularité a grandi dans les années 1930, en particulier dans les provinces des Prairies où le dessert est connu sous le nom de « Matrimonial Cake ».
Dès 1922, les cafés et les boulangeries de l’Alberta proposaient des carrés aux dattes, mais c’est le journal Irma Times, basé dans la petite ville d’Irma, en Alberta, qui a été le premier à proposer une recette de carrés matrimoniaux dans son édition du 4 mai 1928.
Les carrés aux dattes ont gagné en popularité dans les années 1930, pendant la Grande Dépression, à cause du goût naturellement sucré des dattes. Les fruits confits et les noix n’étaient pas facilement disponibles (et étaient considérés comme un luxe dans les années 1930), mais les dattes, la mélasse, l’avoine et la farine étaient facilement accessibles dans les régions rurales comme les Prairies, le nord du Québec et Terre-Neuve, faisant des carrés aux dattes un dessert facile et abordable pour les familles nombreuses.
Dans les années 1940, le rationnement en temps de guerre au Canada aurait fait en sorte que des produits comme le sucre et les œufs aient réduit la variété des biscuits et des desserts, mais les carrés aux dattes ont perduré. Au Québec, le carré aux dattes est devenu très populaire après la Seconde Guerre mondiale, à cause peut-être des livres de cuisine publiés en français par les marques de farine Robin Hood et Five Roses. Les dattes et l’avoine n’étaient pas des ingrédients particulièrement courants dans la cuisine québécoise, mais le fait qu’ils étaient économiques a sans doute contribué à mousser leur popularité à cette époque.
Aujourd’hui, les carrés aux dattes sont l’un des desserts préférés des Canadiens et des Canadiennes. Ils font partie du répertoire des gâteries des Fêtes et on les retrouve immanquablement dans les ventes de pâtisseries tenues dans les sous-sols des églises ou les marchés de Noël.
L’humble carré aux dattes est étonnamment sucré et parfait avec une tasse de thé. Il est apprécié de Victoria, en Colombie-Britannique, à St. John’s, à Terre-Neuve. Quel que soit le nom que vous lui donnez, c’est du bonheur au carré !