Chaque année, le groupe militant américain Environmental Working Group (EWG) publie un guide à l’intention des consommateur.trice.s, dressant la liste des fruits et des légumes les plus et les moins contaminés par les pesticides. Ce guide classe par ordre de grandeur les résidus de pesticides trouvés sur 46 fruits et légumes populaires.
Cette version comprend une liste restreinte des 12 fruits et légumes les plus « contaminés » et des 15 fruits et légumes les plus « propres ». La formule est accrocheuse et, comme on devait s’y attendre, elle est reprise par les médias du monde entier sans que l’on s’interroge sur ce que cette liste nous dit réellement.
Comme solution, l’EWG incite fortement les consommateur.trice.s à acheter des fruits et des légumes biologiques afin d’éviter les résidus de pesticides qui, selon le groupe, constituent un risque pour notre santé.
Les résidus de pesticides trouvés dans les 12 produits « contaminés » présentent-ils un risque pour la santé ?
La réponse est non et elle sans équivoque. Voici pourquoi.
Pour évaluer le risque de présence de résidus de pesticides sur les fruits et les légumes, il faut d’abord être en mesure d’identifier quelques éléments de base, à savoir :
- Le type précis de pesticide (produit chimique) trouvé
- La quantité de résidus trouvés sur l’aliment
- Comment la quantité, ou dose, que nous consommons se compare à la dose que nous savons être dangereuse.
La liste des 12 produits « contaminés » fait simplement état du nombre total de résidus trouvés, puis compare chaque fruit et légume les uns aux autres, se contentant ainsi de les classer sans plus d’analyses.
Le classement ne prend aucunement en compte la dose, et c’est une grave omission.
Comme pour tout produit chimique, la dose compte énormément. De fait, ce n’est pas parce qu’un résidu est présent qu’il représente un risque pour notre santé.
Les technologies actuelles sont si avancées qu’il est possible d’identifier des résidus dans des quantités aussi faibles que des parties par milliard, comme une goutte d’eau dans une piscine olympique.
Comment savons-nous que les niveaux de résidus actuels sont sans danger ?
L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada fixe des limites maximales de résidus (LMR). Ils correspondent à la quantité la plus élevée de résidus de pesticides autorisée sur une culture spécifique. Ils sont établis pour garantir que les pesticides sont utilisés correctement, et ils sont fixés à des niveaux qui sont des centaines ou des milliers de fois inférieurs à la dose journalière admissible (DJA), qui est la quantité de résidus de pesticides qu’une personne pourrait consommer chaque jour sans effets négatifs sur sa santé.
Ces limites sont fixées après une évaluation scientifique rigoureuse et tiennent compte de l’ensemble de la population, en incluant les nourrissons, les enfants et les femmes enceintes. Elles sont également fixées pour tous les aliments vendus au Canada, y compris les aliments importés.
En outre, les résidus de pesticides sont contrôlés et testés régulièrement par l’Agence canadienne d’inspection des aliments. L’évaluation la plus récente a montré que plus de 99 % des produits sur le marché au Canada (y compris les produits importés) contiennent des résidus de pesticides qui se situent bien en dessous de nos limites très prudentes.
Les résidus de pesticides dans leur contexte
Pour replacer les choses dans leur contexte, examinons les trois principaux « contrevenants » de l’EWG et comparons la quantité de portions qu’un enfant pourrait consommer quotidiennement sans risque pour sa santé en raison des résidus de pesticides.
Fraises : un enfant peut consommer 181 portions (environ 8 fraises par portion) ou 1 448 fraises par jour.
Épinards : 309 portions par jour.
Chou frisé kale : 7 441 portions par jour
La consommation de la quantité de n’importe lequel de ces aliments serait bien plus dangereuse que la consommation de linfime quantité de résidus de pesticides présents. De plus, le fait de laver les produits biologiques et conventionnels à l’eau courante permet souvent d’éliminer les minuscules résidus présents, ainsi que la poussière et la saleté provenant de la culture du fruit ou du légume.
Find out more about your own favourite fruit or vegetable using this Pesticide Residue Calculator.
Le bio est-il meilleur ?
L’EWG n’est pas un groupe impartial de défense des consommateur.trice.s. C’est un groupe d’activistes financé en partie par l’industrie alimentaire biologique. La liste des 12 produits « contaminés » est une tactique de marketing utilisée pour inciter les gens à acheter des produits biologiques.
Il n’y a pas de meilleur moyen de convaincre un parent d’acheter des produits biologiques que de lui dire que ce qu’il ou elle achète pour nourrir sa famille est contaminé.
En réalité, les aliments biologiques ne sont pas plus sains ou plus sûrs que les aliments cultivés de manière conventionnelle. Ils le sont tout autant. L’agriculture biologique est une méthode de culture des aliments, ce n’est pas une certification qui tient compte de leur valeur nutritionnelle, de leur qualité ou de leur salubrité.
En outre, les pesticides peuvent être utilisés dans l’agriculture biologique (ils doivent être d’origine naturelle et non synthétique) mais, surtout, les limites de résidus pour les pesticides biologiques sont tout aussi conservatrices que celles utilisées dans l’agriculture conventionnelle.
Les produits biologiques et conventionnels sont à la fois sûrs et nutritifs.
Si vous achetez des produits biologiques parce que vous attachez de l’importance à leur méthode de culture, c’est excellent ! Allez-y. Nous avons la chance incroyable de vivre dans un pays où la nourriture est abondante et où nous avons l’embarras du choix.
Quel est le problème ?
Le problème est que les Canadiens et les Canadiennes ont déjà du mal à manger suffisamment de fruits et de légumes. Pour ceux et celles qui ont un budget d’épicerie serré, ces listes peuvent provoquer une anxiété considérable au moment de faire les courses. En fait, des recherches ont démontré que les familles à faible revenu achètent moins de fruits et de légumes lorsqu’elles entendent ce type de message.
Nous savons qu’il existe une multitude de recherches qui appuient les bienfaits pour la santé de la consommation d’autant de fruits et de légumes que possible. Le Guide alimentaire canadien mentionne même « Mangez beaucoup de fruits et de légumes » comme premier énoncé de priorité.
L’accent mis par l’EWG sur la nécessité d’éviter les résidus de pesticides (qui sont présents en quantités négligeables) est tout à fait disproportionné par rapport aux avantages connus d’une alimentation riche en fruits et légumes. Le message devrait être « Mangez des fruits et des légumes ». Choisissez vos produits en fonction de leur fraîcheur, de leur goût et de leur prix. Et rassurez-vous, les produits que vous mangez sont peut-être poussiéreux en raison du champ où ils ont été cultivés, mais ils ne sont pas contaminés pour autant.