Qu’elles trouvent leur origine chez les Abénaquis de la Nouvelle-Angleterre, dans les cuisines des chantiers de bûcherons ou qu’elles déclinent naturellement du cassoulet français, les fèves au lard, nos « bonnes binnes », sont bien ancrées dans l’histoire de la cuisine canadienne.
Dans un article paru en 1956 dans le magazine Maclean’s, le chef cuisinier de l’hôtel Royal York de Toronto, Donat Perreault, proclamait que les fèves au lard devraient être proclamées « plat national du Canada ». Des décennies plus tard, bien que l’on prétende que la poutine les auraient détronées, elles figurent encore sur les menus du petit déjeuner, du brunch et de la cabane à sucre. Elles s’inscrivent même dans la tendance à consommer des légumineuses soutenue par le Guide alimentaire canadien.
Bien que de certains produits soient typiquement régionaux, la polyvalence et l’histoire des fèves au lard fait partie de l’histoire de tout le Canada. Au Québec, on fait bouillir les haricots secs avec du porc et du sirop d’érable. À Terre-Neuve, les fèves au lard sont servies au petit déjeuner avec des toutons — petites galettes de pâte à pain frites dans le beurre — pour absorber la sauce sucrée-salée. En Nouvelle-Écosse, elles sont épaisses et sucrées avec de la mélasse, tandis qu’en Colombie-Britannique, elles rappellent à table l’époque de la ruée vers l’or.
C’est donc en long et en large que l’on peut raconter l’histoire des fèves au lard au Canada !
![baked-beans-1](https://lepanieralimentairecanadien.org/wp-content/uploads/2023/03/baked-beans-1-1024x576.jpg)
L’un des premiers mets canadiens
Les fèves au lard sont rassasiantes, nutritives et résistent bien au voyage, trois qualités indispensables pour nourrir sur des siècles les habitant.e.s d’un grand pays. D’ailleurs, au Canada, des peuples des Premières nations les faisaient cuire lentement dans des pots en terre cuite sur des pierres chaudes, avec du sirop d’érable et de la graisse animale.
Après l’arrivée des colons français et anglais, au 16e siècle, il semble que deux recettes aient pris des directions différentes, l’une faite avec du sirop d’érable et l’autre, avec de la mélasse.
En Nouvelle-Angleterre, c’est Boston qui a fait des fèves au lard ce qu’elles sont aujourd’hui. Les Bostonien.ne.s les aimaient tellement que l’on trouve quantité de poteries en terre cuite d’époque consacrées à leur préparation. Au 18e siècle, une taxe sur le sucre a obligé à populariser la mélasse. Après la guerre d’indépendance américaine, les loyalistes ont remonté vers les Maritimes, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, et leur recette de fèves au lard à la mélasse s’est répandue. Au Québec, la popularité des fèves au lard préparées avec du sirop d’érable plutôt que de la mélasse a grandi surtout au 19e siècle.
Au tournant du 20e siècle, les fèves au lard étaient un plat de base important dans tout le pays. Elles nourrissaient ceux qui construisaient le chemin de fer transcanadien et ceux qui montaient au Klondike pour y trouver de l’or. À Dawson City, les haricots secs qu’on appelait « fraises de l’Alaska » étaient évidemment très chers.
Les fèves au lard au 20e siècle
Traditionnellement, de nombreuses cuisinières à travers le pays — et tout particulièrement dans les Maritimes — préparaient vers la fin de la semaine un grand « chaudron de binnes » pour le souper du samedi et pour le dimanche, jour de repos.
Les fèves au lard sont ensuite apparues sur les étagères des épiceries à mesure que le processus de mise en conserve devenait plus sûr et plus répandu. Elles commencent également à figurer sur les menus des restaurants, en particulier à Montréal, où des établissements comme La Binerie (qui a ouvert ses portes dans les années 1930) font des fèves au lard québécoises un plat vedette.
Depuis une dizaine d’années, le terme légumineuses est devenu plus courant dans le dictionnaire culinaire canadien. Le Guide alimentaire canadien a évolué pour inclure moins de viande et plus de légumineuses comme les haricots, les pois chiches et les lentilles. Aujourd’hui, les Canadien.ne.s dépensent en moyenne près de 70 millions de dollars par années en haricots cuits. Ils sont peut-être devenus plus tendance, mais les haricots font partie intégrante de la cuisine canadienne depuis plus d’un demi-millénaire.
La recette des Fèves au lard à la mélasse
Ces fèves au lard classiques nous viennent de la côte est américaine. L’utilisation de mélasse au lieu de sirop d’érable est une tradition des Maritimes issue de la Nouvelle-Angleterre, en particulier de Boston. Elles sont plus sucrées, et ceux qui souhaitent une version plus salée ou plus tomatée devront ajouter une tasse de ketchup.
Préparation : 12 heures
Cuisson : 5 heures
Durée totale : 17 heures
Portions : 6
Ingrédients
- 2 tasses de haricots blancs secs
- 1/2 lb de bacon de porc, coupé en cubes
- 1 oignon moyen, pelé, bouts coupés, puis haché finement
- 1/2 tasse de mélasse
- 1/4 tasse de cassonnade bien tassée
- 2 c. à soupe de vinaigre de cidre
- 1 c. à thé de moutarde en poudre
- Sel et poivre au goût
Préparation
- Mettre les haricots secs dans une cocotte en fonte ou une casserole épaisse convenant au four. Couvrir de 6 tasses (1,5 l) d’eau. Laisser tremper toute une nuit.
- Égoutter les haricots et les remettre dans la casserole. Recouvrir de quelques pouces d’eau. Faire cuire pendant environ 30 minutes ou jusqu’à ce qu’ils soient tendres, mais encore ferme. Égoutter en réservant le liquide de cuisson. Réserver.
- Préchauffer le four à 325 °F (160 °C). Pendant ce temps, faire cuire le bacon à feu moyen-vif dans la cocotte jusqu’à ce qu’il brunisse et que le gras ait fondu. Ajouter l’oignon et l’attendrir.
- Remettre dans la cocotte les haricots, la mélasse, la cassonade, le vinaigre de cidre, la moutarde en poudre et 3 tasses (750 ml) du liquide de cuisson réservé. Saler et poivrer.
- Faire cuire au four, à découvert, de 3 à 5 heures ou jusqu’à ce que les haricots soient tendres, que la sauce ait épaissi et que le pourtour de la cocotte soit collant. (Remarque : Si la préparation semble trop sèche en cours de cuisson, ajouter une tasse d’eau.)
Valeur nutritionnelle
Fèves au lard des Maritimes à la mélasse
par portion de 150 ml
Calories 538
Lipides 16 g
saturés 5 g
Cholestérol 25 mg
Sodium 269 mg
Potassium 1422 mg
Glucides 79 g
Fibres 18 g
Sucres 35 g
Protéines 21 g