Les bovins de boucherie ont la réputation d’être nuisibles pour l’environnement. Cependant, le cas est beaucoup plus complexe qu’on le laisse croire et vraiment intéressante. L’élevage de bovins de boucherie apporte en fait des contributions positives à l’environnement. Nous avons demandé au Dr Christian Artuso, un scientifique de l’Unité de conservation des oiseaux migrateurs du Service canadien de la faune, de nous en parler.
Les prairies, un écosystème en voie de disparition.
Les prairies, qui jouent un rôle important dans la production de viande bovine, comptent parmi les écosystèmes les plus menacés de la planète. Les prairies indigènes abritent une vie végétale et animale incroyablement diversifiée, ainsi que plus de 60 espèces canadiennes en péril. Elles jouent un rôle essentiel dans le cycle de l’eau, contribuant aux réserves d’eau souterraine, aux rivières et aux ruisseaux, retenant l’eau pendant les inondations et fournissant de l’eau potable aux communautés humaines et sauvages. Les écosystèmes stables des prairies aident à protéger et à améliorer la qualité des eaux de surface en filtrant l’eau qui se déverse dans les plans d’eau environnants, ainsi qu’en prévenant l’érosion du sol. Ces écosystèmes uniques sont également très importants dans la lutte contre le changement climatique.
Par la photosynthèse, les plantes des prairies retirent le carbone de l’atmosphère et le stockent dans leur système racinaire, un phénomène appelé piégeage du carbone. Ce processus réduit le dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère en transformant le sol en un « puits de carbone ». Le carbone étant un nutriment essentiel pour les plantes, celles-ci peuvent l’utiliser pour soutenir leur croissance.
En fait, les prairies canadiennes agissent comme de grands réservoirs de carbone. Les recherches montrent qu’elles retiennent environ 1,5 milliard de tonnes de carbone – soit l’équivalent des émissions de 3,62 millions de voitures par an – qui seraient autrement libérées dans l’atmosphère.
Les prairies ont besoin de pâturages, donc de brouteurs.
Sans gestion des prairies – et des animaux de pâturage comme le bétail – ces écosystèmes fragiles sont en danger.
Bien avant l’introduction des élevages de bétail, des millions de bisons parcouraient les prairies. Ces animaux contribuaient à leur santé en aérant le sol avec leurs sabots, en produisant du fumier et de l’urine qui fournissaient des éléments nutritifs importants aux plantes, et en répandant des graines lorsqu’ils se déplaçaient sur les terres. Aujourd’hui, les bisons ont été largement remplacés par des troupeaux de bovins qui remplissent un rôle similaire.
Le bétail au pâturage favorise la diversité végétale en mangeant les herbes dominantes, ce qui permet à d’autres espèces de prospérer et de se développer. En se nourrissant et en se déplaçant dans les prairies, ils éliminent les herbes sèches qui présentent un risque d’incendie et empêchent la surpopulation, qui peut entraîner une perte d’habitat pour de nombreuses espèces d’oiseaux.
Le bétail joue un rôle essentiel dans le cycle des nutriments et de l’eau dans un écosystème de prairie. La plupart de l’eau et des nutriments consommés par le bétail finissent par retourner dans le système pour être réutilisés.
Réduire les déchets et élever les bovins de boucherie plus efficacement
Les bovins sont d’étonnants recycleurs. En hiver, ils mangent de nombreux sous-produits de la transformation alimentaire et industrielle qui ne sont pas destinés à la consommation humaine. Il s’agit notamment de drêches de distillerie provenant du processus de brassage de la bière et de la production d’éthanol, de tourteaux de canola et de soja, de grains de céréales provenant de la production de farine, de carottes difformes, de pulpe de betterave ou même de frites de rebut. Ils peuvent également manger des grains endommagés par des insectes, des maladies, le gel ou la sécheresse.
Sur l’ensemble des terres cultivées au Canada, moins de 9 % sont utilisées pour produire des aliments pour le bétail. La plupart des terres que le bétail broute font partie d’un écosystème délicat dont le sol est de faible qualité ou trop rocheux pour produire des cultures de qualité.
Les agriculteurs et les agricultrices, les éleveurs et les éleveuses cherchent continuellement à trouver des moyens d’utiliser plus efficacement les ressources agricoles (comme la terre) et de prévenir le gaspillage. Si l’on compare la production de bœuf en 2011 à celle de 1981, les éleveurs canadiens ont produit 32 % plus de bœuf avec 17 % moins d’eau, 24 % moins de terres et 15 % moins d’émissions de gaz à effet de serre (GES). C’est ce que l’on peut appeler le progrès !
L’un des moyens utilisés par les agriculteur.trice.s est l’élevage intensif, qui consiste à élever et à nourrir un grand nombre d’animaux dans un espace réduit, comme dans un parc d’engraissement. Après avoir passé la majeure partie de leur vie dans les pâturages, les bovins de boucherie vont généralement dans un parc d’engraissement où ils passent de trois à cinq mois et sont nourris avec un régime à haute teneur en énergie, puis sont vendus pour leur viande. Cette méthode d’élevage accroît considérablement l’efficacité de la production de viande bovine, ce qui se traduit également par une baisse des coûts pour les agriculteur.trice.s et les consommateur.trice.s.
Les promoteurs de croissance sont un autre outil que les exploitant.e.s de parcs d’engraissement et les agriculteur.trice.s peuvent utiliser pour élever des bovins plus efficacement. Il s’agit par exemple des ionophores, qui sont ajoutés à la nourriture pour que les bovins utilisent les nutriments plus efficacement tout en générant moins de déchets, ce qui permet aux animaux de mûrir plus rapidement. Les hormones, autre exemple, aident les bovins à produire plus de protéines et moins de graisse, ce qui améliore à la fois la prise de poids et la capacité à transformer les aliments en muscles.
Rendre la production de viande bovine durable pour l’avenir
Les bovins de pâturage jouent un rôle important dans le maintien de la santé des prairies, aujourd’hui et pour des décennies à venir. Les agriculteur.trice.s et les éleveur.euse.s veulent s’assurer que ces écosystèmes vitaux sont préservés pour les générations futures. Cette responsabilité s’accompagne de la nécessité d’améliorer en permanence la façon dont les cultures sont pratiquées et dont le bétail est élevé. Tout cela implique d’être attentif aux questions et aux préoccupations environnementales.