par Matt McIntosh
Comment fonctionne l’édition de gènes, et pourquoi est-elle si révolutionnaire ?
L’édition de gènes est une affaire importante à plus d’un titre. Mais alors que cette technologie a déjà eu un impact significatif sur notre alimentation et notre système de santé, comprendre en quoi l’édition de gènes diffère des autres outils de la science génétique est, pour beaucoup, moins évident.
Voyons ensemble ce qu’est l’édition de gènes, ce qu’elle n’est pas et comment elle fonctionne.
Une méthode plus précise
La méthode traditionnelle pour créer des variétés nouvelles et améliorées de plantes et d’animaux est la sélection, c’est-à-dire le croisement de deux types différents du même organisme ou d’organismes apparentés pour essayer d’accentuer les caractéristiques souhaitables.
Dans le cas des plantes, cela peut signifier la sélection d’une capacité de production alimentaire plus élevée, la tolérance à la sécheresse, la résistance aux parasites et aux maladies, et bien d’autres facteurs. Il en va de même pour les animaux. Le bétail, par exemple, peut être sélectionné pour réduire le risque de maladie, augmenter la production de viande ou de lait, ou encore obtenir des caractéristiques physiques souhaitables. La plupart des plantes, des animaux — et même des animaux de compagnie — qui nous sont familiers aujourd’hui sont le résultat de ce processus évolutif dirigé par l’homme.
Le problème avec l’élevage traditionnel ? C’est un processus qui peut être lent et les résultats ne sont pas garantis.
Les nouveaux organismes mis au point par les méthodes de sélection traditionnelles résultent de la combinaison de deux jeux complets d’ADN, ce qui signifie qu’il est possible de transférer à la fois des caractéristiques souhaitables et indésirables. La combinaison de deux plantes peut, par exemple, permettre de créer une variété qui produit davantage de nourriture, mais qui s’avère également plus sensible à la sécheresse. L’élevage de deux chèvres laitières différentes pourrait aboutir à une chèvre qui produit plus de lait, mais qui est aussi plus sensible à certaines maladies.
Les sélectionneurs et sélectionneuses ont par exemple eu recours à l’édition de gènes pour augmenter la tolérance aux maladies de la banane Cavendish. Ce même résultat aurait pu être obtenu en croisant des bananes commerciales avec une variété de banane sauvage présentant la tolérance aux maladies recherchée, mais cela aurait pris beaucoup plus de temps et aurait probablement apporté certaines des caractéristiques indésirables de la banane sauvage (comme une taille plus petite ou de grosses graines).
Il s’agit d’exemples simplifiés, mais ils illustrent à quel point la science des plantes et des animaux peut être difficile (et prendre du temps). En effet, il faut parfois des années, voire des décennies, aux sélectionneur.euse.s de plantes et d’animaux pour atteindre leurs objectifs au moyen des techniques de sélection traditionnelles.
L’édition de gènes peut résoudre – et résout, en fait – plusieurs de ces problèmes.
Comment fonctionne l’édition de gènes
Les différents gènes d’une séquence d’ADN sont responsables de différentes caractéristiques. L’édition de gènes désigne notre capacité à cibler et à modifier avec précision des parties spécifiques de la séquence d’ADN d’un organisme en désactivant, supprimant, ajoutant ou répliquant le gène. Les scientifiques peuvent ainsi obtenir immédiatement le changement souhaité dans l’organisme, en utilisant les gènes déjà présents dans la séquence d’ADN de l’organisme et en minimisant les risques associés aux méthodes de reproduction traditionnelles.
L’une des technologies révolutionnaires permettant aux scientifiques de modifier directement l’ADN des plantes et des animaux s’appelle CRISPR (pour Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats ou répétitions palindromiques courtes régulièrement espacées en grappes). CRISPR, que l’on a coutume de nommer « le couteau suisse de l’édition du génôme » est composé d’une enzyme qui modifie le gène ciblé, ainsi que d’une séquence d’acide nucléique (appelée ARN) qui guide l’enzyme vers le gène cible. Il s’agit de la méthode la plus efficace et la plus précise dont nous disposions pour modifier l’ADN.
La technologie CRISPR permet à tous les laboratoires de pratiquer l’ingénierie du génome. Elle permet des avancées en biologie fondamentale et dans « l’invention » des végétaux ou des animaux de demain. Elle permet de développer des solutions pour vaincre des maladies endémiques comme le paludisme, de faciliter les transplantations d’organes et de traquer des maladies génétiques.
Il est important de noter ici que la capacité à utiliser l’édition de gènes nécessite également la connaissance des modifications spécifiques nécessaires. Des recherches approfondies sont menées avant de procéder à l’édition génétique d’une plante pour confirmer ce que fait un gène et quels gènes doivent être modifiés pour obtenir le résultat souhaité. Ces capacités ont été considérablement améliorées au cours des dernières décennies par d’importantes percées dans le séquençage du génome.
Il est difficile de surestimer l’importance de CRISPR en tant que technologie. En effet, elle a déjà eu un impact énorme dans tous les domaines, de l’alimentation à l’agriculture en passant par les matériaux industriels et les soins de santé, ce qui inclut bon nombre des vaccins dont nous disposons aujourd’hui pour le Covid-19. La mise au point de ce système universel d’édition du génome est si révolutionnaire qu’elle a valu aux chercheuses Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna le Nobel de chimie en 2020.
Modification des gènes et OGM : connexes, mais différents.
Si cette description de l’édition de gènes vous fait penser aux OGM, vous avez en partie raison d’établir ce lien.
L’acronyme OGM (pour « organisme génétiquement modifié ») est communément appliqué aux plantes et aux animaux créés par génie « transgénique », c’est-à-dire l’introduction dans un organisme d’un ou de plusieurs gènes provenant d’un autre organisme, qu’il s’agisse d’une espèce apparentée ou non. Cette technologie est utilisée depuis plusieurs décennies et a été employée par des chercheurs et chercheuses des domaines public et privé pour créer de nombreuses variétés de cultures qui ont profité aux agriculteur.trice.s, aux consommateur.trice.s et à l’environnement.
L’édition de gènes est une autre forme de génie génétique. Bien qu’elle puisse être utilisée pour introduire de nouveaux gènes et créer des OGM, elle se concentre sur la modification précise de gènes qui existent déjà ou qui auraient pu apparaître par le biais de la sélection végétale conventionnelle. La distinction peut parfois être floue, en partie parce que le sens que donne la population aux termes OGM et génie génétique est souvent différent de leur signification scientifique.
Il existe également des différences réglementaires. Les produits développés par la méthode transgénique doivent répondre à des exigences supplémentaires de vérification de la sécurité fixées par le gouvernement fédéral. Pour les produits issus de l’édition de gènes, les politiques réglementaires sont encore en cours d’élaboration, mais de nombreux pays ont mis au point des processus distincts, bien que semblables, qui ne nécessitent pas de longues évaluations préalables à la mise en marché.